Dieu n’est pas mort et la société est forcée de l’admettre. Partant de ce constat, quatre auteurs aux opinions politiques et religieuses divergentes proposent d’établir un dialogue « trans-spirituel » dont le mot-clef est la spiritualité.
• Spiritualité et engagements dans la cité : Dialogue entre un musulman critique, un agnostique anarchiste, un catholique libertaire et une romancière, un livre à quatre voix de Haoues Seniguer, Philippe Corcuff, Jérôme Alexandre et Isabelle Sorrente, éd. Le Bord de l’Eau, 12€, 108 p.
Dans cet ouvrage, quatre personnalités ouvrent le débat au sujet de la spiritualité au cœur de la société. Haoues Seniguer, musulman et auteur de Petit précis d’islamisme (L’Harmattan, 2013) et Philippe Corcuff, agnostique et auteur de Pour une spiritualité sans dieux (Textuel, 2016) introduisent le propos par un dialogue au sujet du mal-être musulman et de la laïcité.
L’ouvrage propose ensuite un court essai de Jérôme Alexandre, catholique et auteur de Art, foi politique : un même acte (Herman, 2017), dans lequel il suggère de replacer l’exercice de l’esprit, tant intellectuel que religieux, au cœur de la cité. En guise de conclusion, Isabelle Sorrente, romancière, transmet son expérience personnelle de la spiritualité, qu’elle vit comme une forme d’introspection.
Sur fond de questions d’actualité (islamisme, laïcité, islamophobie, antisémitisme, conflit israélo-palestinien…), l’ouvrage traite d’un thème de plus en plus récurrent aujourd’hui : trouver une place pour les religions au cœur de la société. Dans le cadre « d’une pluralité de croyances et d’incroyances », les deux premiers interlocuteurs présentent la situation. « Je ne prétends pas énoncer ce que les musulmans doivent penser ou faire, si ce n’est les inviter modestement à cesser, pour celles et ceux qui y prétendraient, à se considérer comme les détenteurs de la vérité exclusive », affirme Haoues Seniguer.
C’est pourquoi, en guise de leitmotiv, les auteurs proposent de « penser par soi-même, contre soi-même, avec les autres, et par conséquent, au-delà de soi-même ». Face à cette prudence musulmane vis-à-vis des extrêmes, Philippe Corcuff propose d’adopter une « prudence agnostique vis-à-vis des religions, à la fois compréhensive et critique », tout en reconnaissant que les religions ont été historiquement « des cadres importants pour formuler les interrogations spirituelles. »
Jérôme Alexandre, catholique, redéfinit la spiritualité. Partant du constat que l’homme est par nature un être spirituel, et qu’il se montre comme « un chercheur invétéré du dépassement de soi », ce professeur à la faculté Notre-Dame du Collège des Bernardins propose la sagesse comme terrain d’entente, qui consiste en « une éducation à un juste rapport à soi-même et au monde. » Ainsi, il est inévitable que la spiritualité appelle dans un premier temps à « une expérience personnelle, [qui] suggère une implication libre et conséquente », pour ensuite s’accorder avec la vie en société.
L’ouvrage s’ancre dans un débat social mais on peut regretter un certain relativisme de la part des interlocuteurs. L’engagement dans la cité devrait se traduire, selon eux, par une tolérance de l’autre et de ses croyances. On pourra déplorer, malgré la pertinence des questions soulevées, l’absence d’une réelle confrontation d’idées entre les interlocuteurs.
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